En Or par équipe à Rio en 2016, Karim Florent Laghouag nous parle de son actualité, de ceux qui l’accompagnent, et de comment il puise sa force. Quelques jours en amont du début de saison au Grand National au Saumur, qu’il enchaînera avec une très belle reprise de Triton Fontaine, un hippique au carré, et alors que son point fort est le cross … le 13… un obstacle oublié… Bref, le reste était au taquet, et ça, c’est une excellente nouvelle !



MGPY : Karim, Bonjour, que vous ont réservé la fin d’année 2020 et ces premières semaines 2021 ?
Nous avons travaillé le dressage essentiellement. Nous sommes restés à la maison en pouvant nous concentrer, rester proches des chevaux, les entraîner, passer du bon temps avec eux. Et puis il y a 15 jours le premier stage au Lion d’Angers. Trois jours très enrichissants, ça varie les terrains avec Saumur. Nous avions l’ensemble des coachs… ce qui nous a permis de faire le point, et nous avons vu des chevaux assez frais, dynamiques, qui avaient besoin comme nous de sortir je pense.
MGPY : Le binôme avec Guy Bessat fonctionne toujours aussi bien ?
Il est co-propriétaire de plusieurs chevaux, mais notamment de Triton Fontaine [ndlr : fils de Gentleman IV x Laudanum et Narcotique, tous deux indicés en CSO 1.60m] (x Gentleman IV x Grenouil Fontaine x Nightko), cheval olympique et en lice pour Tokyo. Guy m’a épaulé sur le côté physique, puis mental, puis à l’entraînement du cheval de concours complet, puisqu’ils ont revu avec l’IFCE et Patrick Galloux, écuyer de l’ENE, responsable technique de l’école et surtout de l’entraînement du cheval de complet, sa physionomie.
Et comme le corps du cheval et le corps humain sont semblables, ils fonctionnent pareil, donc l’entraînement est en conséquence.
Guy a été dans le sport toute sa vie. Il a commencé par le décathlon, et alors que nous sommes dans le triathlon, eux c’est dix. Du coup c’est très enrichissant. Au niveau des chevaux, nous sommes vraiment privilégiés de l’avoir.
Ensuite, il a mis le doigt sur le fait que l’entraînement du cheval, l’alimentation, les soins, tout le monde fait parfaitement, mais celui du cavalier en revanche pas trop. Je m’entraînais de façon empirique, je ne connaissais pas plus que ça, tout en étant quand même sportif, du vélo, de la course à pied, mais comme j’en avais envie. Alors ce n’est pas mal, mais ce n’était pas optimum. Il m’a conseillé le gainage et de varier beaucoup pour surprendre le corps tout le temps. J’adore ! Nous revenons là de cinq jours aux Deux-Alpes où nous avons pu nous entraîner, aller en raquette, on répétait la reprise, des parcours de saut dans la tête au moment où vous êtes en fin d’efforts physiques.
Le soir, hammam pour faire des marqueurs physiologiques pour Tokyo.
Dans un endroit où il fait très humide ou très chaud en piétinant un peu sur place, quelques pompes pour être en difficulté dedans… associé à du calcul mental pour rester lucide et concentré malgré le fait d’avoir du mal à respirer. C’est des petits plus. On part du principe que les marqueurs physiologiques sont des cases dans le cerveau.
Quand vous avez identifié ce marqueur-là et que vous arrivez à Tokyo, vous connaissez déjà, ce n’est pas une découverte.
Il semble que ce soit très efficace et d’ailleurs à l’écurie, on fait aussi avec le cheval dans un endroit confiné sur le tapis roulant, et je suis à côté sur mon vélo d’appartement. Ce ne sont pas des gros efforts, ça sert juste les mêmes objectifs. On ne prend pas de risques, et par rapport aux entraîneurs qui recevront d’un œil varié ces nouveaux apports, on essaie cinq minutes voir si tout va bien, c’est suivi par le vétérinaire. Si tout va bien, on augmentera un peu la fréquence et les temps en fonction de l’approche de l’échéance des Jeux, s’ils se maintiennent et si nous sommes sélectionnés.
MGPY : Tu travailles également avec Jean-Luc Force ?

J’ai commencé à travailler avec Jean-Luc bien avant Guy. En revanche depuis six ans, nous sommes voisins, ce qui nous permet de nous voir beaucoup plus souvent. J’ai énormément de chance de l’avoir comme ami, ça dépasse le coach comme avec Guy. Ce sont des gens passionnants et passionnés qui sont tout le temps motivé. Et j’ai besoin d’être épaulé, de personnes pour me rassurer, me pousser, me freiner, me speeder, me calmer. J’ai la chance d’avoir ce monde autour de moi, et d’avoir mon épouse Camille qui fait le chef d’orchestre.

MGPY : D’où le fait de choisir ce sport du concours complet et d’être lié au binôme du cheval ?
Quand nous sommes en extérieur avec mon cheval, on travaille, on partage. Nous cherchons toujours à être le meilleur cavalier du monde, et pour soi d’être le plus proche possible du cheval et pouvoir l’emmener avec nous dans notre destination.
Le cheval est vraiment grégaire, donc est terrorisé en permanence, c’est dans sa nature, le fait d’être avec eux, les rassure beaucoup, ce côté-là est aussi passionnant.
Quand le cheval est sur le tour avec nous, nous sommes dans une bulle ensemble, on n’entend plus rien. Ils verront si quelque chose mérite l’attention mais globalement ils sont rassurés avec nous. Vous êtes rênes longues vous ne pensez à rien, il va faire des demi-tours, il va tout faire. On ajuste un peu, on met ses jambes, on fait une volte, on fait un truc, on commence à les travailler et le cheval revient concentré avec nous. C’est aussi rassurant de savoir que l’on ne fait pas ça pour rien en train d’essayer tout le temps d’exiger quelque chose, il y a une véritable interaction.
Après je me suis beaucoup intéressé à la physiologie.
Si vous laissez 23h/24 le cheval dans son box, il a plus tendance à être malheureux que s’il sort beaucoup, qu’il s’entraîne, va dehors, petites barres au sol, il ne s’ennuie pas et le corps en a besoin. J’essaie depuis quelques années de pousser ma propre machine loin, même si on le sait, de le sentir c’est différent. J’aime ne pas rester les deux pieds dans le même sabot et ne pas avoir trop de routine.
Je suis ravi d’être là, on reprend notre vie d’avant et j’en ai besoin. Nous avons vécu des choses un peu différentes avec tous ces confinements, on se rapproche de la famille, on est plus sédentaire. Personnellement je suis un voyageur, je suis 200 jours par an en dehors de chez moi, donc d’être d’un seul coup un peu cloîtré, c’est surprenant. Nous avons tiré des enseignements de cette période, faire les devoirs des enfants, des travaux nous-mêmes, je me suis révélé menuisier. Il y a aussi la remise en question, du pourquoi on fait ça, on est bien aussi à la maison.
Après c’est vraiment grâce à l’aura générale que je rebondis sans problème. Et puis grâce à un dynamisme en commun, on se révèle, on se bouge.

MGPY : C’est pour cela qu’on sent souvent que tes supporters te portent et t’insufflent une vraie énergie sur tes tours ?
J’ai eu la chance de rencontrer il y a pas mal d’années, un Monsieur, qui s’appelle Christian Nicolaï, présenter par Jean-Luc. Il est préparateur mental qui monte à cheval mais qui est essentiellement rugbyman. Nombreux sont les sportifs qui puisent l’énergie en eux. Comme je puisse mon énergie dans les autres, cela me porte, c’est ma forme de concentration, je ne suis pas distrait parce que je reçois des autres, ça me renforce. Alors il a pu m’arriver de m’enflammer, mais j’ai compris avec lui que je ne devais pas me brider trop. C’est mon mode à moi, ma façon de lâcher du lest, le principe du groupe, vous leur donnez un peu de votre énergie et vous recevez de la leur.
Ça a été une vraie libération comme d’apprendre aussi à canaliser cette expression.
J’essaie aujourd’hui vraiment de comprendre les choses car je les fais très instinctivement. Du coup je ne fais pas attention. Pourquoi je ne stresse pas, ou peu disons, ou j’ai du stress positif. Quand j’ai une grosse pression, j’ai plutôt tendance à faire des bonnes performances que des mauvaises. La pression c’est ce que disait Mark Todd finalement. On lui demandait quel était le concours le plus difficile entre Badmington et Burghley, et il disait largement Badmington, alors que tout le monde sait que le parcours de Burghley est beaucoup plus difficile. Techniquement c’est plus vallonné, mais le monde la pression que vous avez à Badmington ce n’est pas Burghley. D’un côté c’est 20.000 personnes, de l’autre 300.000. Et les médias, et ce que ça représente. Plus il y a de monde pour moi, mieux c’est que la pression. Bref, venez nombreux.
© Melanie Guillamot. Stage fédéral Saumur Février 2021. #LesEntrevuesComplètes #byMgpY


Photos d’archives et actualités : Cross ProElite Grand National Saumur 2021, cross Ustica*Le Grand Complet 2020, Fred Aylies au Grand Complet en 2020, cross du 5* de Pau 2020, avec Guillaume Grégoire Lecomplet.com à Saumur le we dernier. Détente sous les yeux attentifs du staff, coachs et soigneur. Avec Entebbe, le bisou au Grand Complet 2016.

